L’Impact investing, connu en France sous le nom d’investissement solidaire, se distingue de l’ISR en visant des acteurs non cotés à l’origine de solutions de rupture face aux problèmes sociaux et environnementaux. S’il est encore trop tôt pour parler de performance, les études laissent à penser que cette catégorie d’actif s’affirmera dans les prochaines années.
Connu en France sous le vocable d’investissement solidaire, l’Impact investing vise un triple rendement social, environnemental et financier. Il prolonge l’investissement socialement responsable, ou «durable», par son approche visant à résoudre des problèmes sociétaux, comme la pauvreté et le climat, et vise des entreprises non cotées, le plus souvent des jeunes pousses innovantes à croissance forte. L’investissement solidaire, ou à impact, se définit comme un investissement financier à long terme dans des sociétés intentionnellement innovantes pour le « bas de la pyramide sociale » et pour la planète. La notion d’intentionnalité se situe au cœur de cette approche d’investissement qui nécessite une stratégie volontaire de la part des entreprises pour atteindre ce « bas de la pyramide », à travers des innovations et des modèles d’affaires adaptés. L’Impact Investing se distingue de l’ISR en visant des actifs non cotés. Il va aussi plus loin dans la recherche d’impacts dans la mesure où les entreprises investies cherchent des solutions de rupture face aux problèmes sociaux et environnementaux qu’elles souhaitent résoudre par des solutions commerciales. Ces PME vont à la rencontre d’un marché démuni du « bas de la pyramide », défini comme en dessous du revenu moyen de 2$ par jour et qui représente encore une part considérable de la population mondiale. On parle de sélection positive ou Positive Screening dans l’Impact Investing là où l’ISR se contente d’un Screening négatif visant à éliminer les risques comme ceux liés au travail des enfants ou à la pollution des milieux naturels.
L'EXEMPLE DE LA MICROFINANCE
L’impact sur ces populations économiquement vulnérables se fait généralement à travers des produits à prix abordables et des modèles inclusifs. Se faisant, ces innovations s’adressent à un marché mondial de plus de 3 milliards d’humains, la plupart localisés dans des économies émergentes en forte croissance. L’exemple de la microfinance, aujourd’hui bien connu, est illustratif à plusieurs niveaux: il est d’abord innovant puisqu’il a permis de bancariser des centaines de millions de personnes n’ayant pas accès au système bancaire. Cela est rendu possible par une innovation dans le modèle de distribution de crédit avec une approche solidaire réduisant le risque. Cette activité de crédit d’un type nouveau est devenue une industrie de taille mondiale grâce à la taille du marché cible dans des pays où moins de 5 % de la population est bancarisée. Elle se prolonge par la micro-assurance, le micro-leasing et des modèles d’échange sur smartphone fondés sur des technologies blockchain. Les innovations ciblant le « bas de la pyramide » se multiplient. Elles offrent l’accès à des services vitaux, notamment l’énergie, l’eau propre, la santé, l’éducation, le logement, la finance et l’assurance. Dans les pays émergents, la croissance profite moins aux populations sous la barre des $2 de revenus par jour – un marché pourtant colossal et en forte demande – mal servies par l’augmentation du PIB dont bénéficie la classe moyenne. L’accès à l’énergie offre un exemple intéressant. Le couplage des technologies solaires et fintech accélère le déploiement de systèmes solaires dans des millions de foyers situés en zones rurales non connectées aux réseaux électriques. La production électrique se décentralise rapidement grâce au solaire et à la baisse du coût de la puissance installée, qui est passée de $8 par kWc en 2009 à moins de 0.5 aujourd’hui. La distribution de ces systèmes se trouve accélérée et son risque réduit par l’usage du Pay-As-You-Go, une technologie permettant de vendre ces systèmes sous la forme de leasing d’achat en deux ans. Les leader de cette industrie ont démarré vers 2010. Ils atteignent aujourd’hui des chiffres d’affaires supérieurs à 50M$ et se valorisent à plusieurs centaines de millions. De quoi offrir des multiples de capital-risque aux investisseurs à impacts qui les accompagnent! De nombreuses innovations comparables existent dans la santé, l’accès à la finance, l’agriculture ou le logement.
DES INVESTISSEURS QUALIFIÉS
L’Impact Investing concerne surtout les investisseurs qualifiés à la recherche de triples rendements. Il permet de décliner le thème de l’investissement durable et responsable dans la catégorie des investissements alternatifs à risque tout en présentant une dimension participative. L’Impact Investing concerne aussi les fondations privées, de plus en plus nombreuses à se tourner vers la philanthropie commerciale ou « Venture Philanthropie », une façon innovante d’allouer des fonds qui s’inspirent des méthodes du capital-risque. La « Venture Philanthropie » se situe de fait aux confins de l’investissement à impact et permet d’associer des capitaux privés à des dons à la recherche de mêmes objectifs sociétaux. Cette approche transverse offre des possibilités d’ingénierie financière inconnues dans le capitalrisque traditionnel.
L’Impact Investing se distingue de l’ISR en visant des actifs non cotés. Il va aussi plus loin dans la recherche d’impacts dans la mesure où les entreprises investies cherchent des solutions de rupture face aux problèmes sociaux et environnementaux qu’elles souhaitent résoudre par des solutions commerciales.
À titre d’exemple, la fondation Gates déploie une palette d’outils permettant de réduire le risque de projets socialement innovants. On trouve aussi les obligations sociales ou « Social Investment Bonds » (SIBs), initiées au Royaume-Uni dans les structures d’économie mixte.
MESURER L’EXTRAFINANCIER
Comme pour l’ISR, la mesure de l’extra-financier est centrale. L’atteinte de résultats concrets en matière de réduction de la pauvreté et de lutte contre le changement climatique doit s’accompagner de moyens de mesure robustes et comparables d’une entreprise à l’autre. Plusieurs systèmes de notation existent qui permettent aux investisseurs de construire des tableaux de bord sur la base de catalogues d’indicateurs de performances, rigoureusement définis et assortis de méthodologie de mesure. Par exemple, un investissement dans les systèmes solaires comptera le nombre de foyers disposant de l’électricité pour la première fois. Cet indicateur pourra être complété par un autre mesurant la réduction de la pénibilité du travail domestique pour les femmes et le nombre d’heures d’éclairage en plus pour l’éducation des enfants. Dans l’agriculture, on mesure souvent l’augmentation des revenus des petits producteurs.
QUELS ACTEURS ET QUELS RENDEMENTS RÉELS?
L’investissement solidaire a le vent en poupe. Selon la revue annuelle du Global Impact Investing Network (GIIN), un organisme sectoriel, les 208 participants de l’étude réalisée en 2017 recensent 114 milliards US$ de capitaux sous gestion. Autour de 20 % par an depuis 2009, sa croissance est la plus forte parmi les catégories de l’investissement durable, lui-même connaissant la croissance la plus forte dans l’univers de la gestion d’actifs. Toutefois, la finance d’impact pose encore question. S’agit-il d’une classe d’actifs à mettre à parité avec les investissements à la recherche de purs rendements financiers? L’atteinte de rendements sociaux et environnementaux se fait-elle au détriment des rendements financiers?
Il est encore tôt pour parler de performance car les fonds à impacts, pour la plupart capitalisés seulement depuis le début de la décennie en cours, sont encore trop jeunes pour offrir un trackrecord de sortie sur la totalité des actifs sous gestion. Si, à ce stade, le nombre de sorties constatées est insuffisant pour dégager une tendance, il ne permet pas non plus de conclure à une sous-performance de l’Impact investing. Les analyses sectorielles pointent vers un optimisme relatif quant aux performances réalisées et attendues. Selon le Global Impact Investing Network, 66 % des investisseurs à impact visent des rendements financiers en ligne avec les performances des marchés d’actions, un chiffre en augmentation d’année en année. 76 % d’entre eux réalisent des performances en ligne avec leurs attentes. Il est donc permis de s’attendre au maintien de cet élan dans la prochaine décennie.
CYRILLE ANTIGNAC EST LE FONDATEUR DE UBERIS CAPITAL, une société d’investissement durable et solidaire ainsi que le fondateur de l'IMPACT FINANCE ACADEMY, qui propose des formations en impact investing. Pionnier de l’Impact Investing et professionnel du capital-investissement depuis 2005, il possède 22 ans d’expérience en Private Equity et Corporate Finance en Europe, Afrique et Asie. Administrateur de sociétés et business angel depuis 1995, Cyrille conseille également plusieurs institutions et Family offices dans leur stratégie d’investissement à impact. Auteur de L’Investissement à Haut Rendement Sociétal – La Révolution de l’Impact Investing (Revue Banque 2016), il intervient en grandes écoles et organismes de Executive Education.
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